Phil aimons (9) : les codes de la bande dessinée
Dans "La mémémoire" et suite à une chute, Philémon ne se souvient plus du "Monde des Lettres". L'oncle Félicien nous met en garde.
Quand nous regardons un film, quand nous lisons un roman ou une bande dessinée, nous acceptons de croire à ce qui s'y déroule. Si nous nous laissons distraire par la forme (des images sur un écran, de l'encre sur du papier), nous sortons de l'histoire. Bien sûr, "quelque part" nous sommes conscients de consentir à ce jeu de dupes.
Après avoir commencé timidement dans "Le piano sauvage", Fred a par la suite beaucoup joué de cette acceptation indispensable. Il considère son lecteur (un enfant !) comme suffisamment intelligent pour en faire un complice : il sait "qu'on ne nous la fait pas", et veut qu'on le sache aussi !
Plus surprenant est le fait que les personnages eux-mêmes ont conscience de leur statut d'êtres de papier ou plutôt d'encre sur du papier. Nous devons croire en eux quand eux-mêmes n'y croient pas.
Dans la courte histoire avec une sorcière qui se trouve à la fin de l'album "Simbabbad de Batbad", Fred fait une démonstration éblouissante qui n'a d'égal que celle que l'on retrouvera des années plus tard dans "L'enfer des épouvantails".
Le jeu des personnages avec les cases et la mise en page est vraiment jubilatoire. Oh, bien sûr, Fred n'est pas le seul à s'y être risqué : Gotlib en faisait de même à la même époque avec sa souris qui se retrouvait sans trait de case, ou son "Professeur Burp" qui passait de case en case dans une rubrique-à-brac sur la girafe. Qui a inventé cette astuce ? J'ai lu pas mal de bouquins sur l'histoire de la bande dessinée, ce n'est pas très clair.
Autre trait marquant, le pouvoir pour les personnages de s'interpeller ou de passer d'une case à l'autre. Récemment, Pascal Jousselin en a fait le "pitch" de sa bande dessinée "Imbattable".
Fred, lui, fait carrément passer Phiélmon "derrière la case" !
Le sommet de cet effet est atteint dans cette planche de "L'île des brigadiers", les personnages en étant arrivé à tourner sans fin en rond d'une case à l'autre… par la faute du lecteur que nous sommes qui se serait trompé de sens de lecture !
La composition d'une planche de bande dessinée n'est pas chose si facile dès lors que l'auteur veut sortir un peu des sentiers battus, ou du "gaufrier" classique. Le regard doit être guidé dans la planche pour ne pas se retrouver dans la situation décrite précédemment où l'on ne sait plus trop quoi lire avant ou après quoi.
Un procédé ancien est d'ajouter une flèche pour guider le regard. Procédé facile que Fred a rarement employé, et qui prend le risque de faire sortir le lecteur de l'histoire !
Un dernier procédé est de rendre palpable des éléments d'une case qui ne "devraient" pas l'être, comme les bulles de textes ou les onomatopées. Dans "La mémémoire", Félicien fera entrer Philémon et Monsieur Baethelémy dans le monde des lettres grâce à la lettre "o" de l'onomatopée "Boum" !
Et je réserve pour le prochain épisode quelques superbes planches qui nous dévoileront la maîtrise de Fred dans l'art de la mise en page.
Phil aimons. (1)
Phil aimons (2) : les personnages principaux
Phil aimons (3) : d'autres personnages étonnants
Phil aimons (4) : où sont les femmes ?
Phil aimons (5) : le "Monde des Lettres"
Phil aimons (6) : les passages
Phil aimons (7) : des phrases toutes faites
Phil aimons (8) : jeux de mots et créations verbales
Phil aimons (9) : les codes de la bande dessinée
Phil aimons (10) : mise en page
Phil aimons (11) : d'autres Fred, Fred et les autres