Cette année-là #21 : 1982
1982 commence pour moi dans le brouillard. Je suis en deuxième année de sciences éco mais je n'ai plus de copains : la deuxième Anne a abandonné elle aussi. Les partielles arrivent et le prof furibond me colle un 2/20 en macro-économie à propos d'une certaine "Loi de Say" dont je me contrefiche. Les vacances d'hiver commencent et Jacques abandonne son IUT. Alors je laisse tomber moi aussi. Nous allons passer les quatre mois suivants à traîner de bar en bar : du Café du Port au Stiff en passant par le Flash. On tourne au café (on n'a pas beaucoup de fric) qu'on appelle "un café métaphysique" : nous refaisons le monde en regardant les passants passer. Je ne le sais pas encore mais ces 4 mois à glander seront les derniers (jusqu'à aujourd'hui en tout cas). Nous écoutons beaucoup "Comme un avion sans aile" de CharlElie Couture et "Ainsi soit-il" de Louis Chédid sur le juke box du Café du Port. Le soir, c'est Stéphane qui nous trimballe : il a une bagnole, lui ! Le voyage de l'année passée en Grèce nous a rapprochés et il me recrute souvent chez son père ébéniste pour du ponçage contre un peu d'argent de poche.
Le samedi soir, on squatte chez Bernard ou dans les mêmes bars. Un soir que Stéphane n'est pas là, je me prends une gamelle à vélo : ma pédale a touché celle de la mobylette de Jacques. Arcade sourcilière ouverte, il m'en reste une trace.
Quand arrive l'été, je ne souhaite pas trop retourner au "tabac". Bruno me dégotte une place pour ma première colo de quatre semaines près de la Pointe de Trévignon. 120 gamins de 8 à 12 ans qui arrivent de la région parisienne. Comme je débute, j'ai droit aux plus petits, mais ce n'est quand même pas de la tarte ! Ils vont en colo depuis qu'ils ont ans, alors les quelques pauvres activités que je peux proposer, ils connaissent ! En plus il ne fait pas très beau en août de "cette année-là" et ils profiteront peu de la plage. La troisième semaine, il me vient une drôle d'idée qui va en occuper quelques uns jusqu'à la fin : réaliser un nounours (déjà…) en pompons !
Le soir, au "cinquième repas (après la réunion des animateurs), je découvre le bonheur de déguster tout un tas de fromages différents. Il faut dire que la CAF de la région parisienne offre un bon budget alors le plateau est toujours varié et délicieux.
Cette expérience me conforte dans l'idée de retenter le concours de l'E.N. que je décroche cette fois après trois tours d'épreuves. Mais il faut avouer qu'avait été instaurée pendant deux ans une règle qui ferait bondir aujourd'hui pour essayer de ralentir la féminisation - déjà à cette époque - de la profession. Il y avait donc un quota de garçons à respecter. En 1982, il était de 7 garçons (pour 500 candidats) et 8 filles (pour 1500 !!). La destinée tient à peu de choses, car cette règle sans laquelle je n'aurais jamais été reçu disparaîtra peu après.
Nouvelle école, nouveaux copains. Nous sommes une "promo fantôme" de 15 (au lieu des 45 habituels) mais il n'y a qu'un seul type vraiment con. Je retrouve Picolo (de retour du service militaire) et commence une chouette période de trois ans de formation. J'ai une piaule à l'Ecole Normale et je suis payé ! Les moments les plus intenses - du point de vue du travail - sont les stages dans des "vraies classes". J'ai un souvenir ému (et un peu honteux au vu de mes compétences d'alors) de mon premier dans un CM1 pendant trois semaines à Lanester.
Je n'ai toujours pas de voiture mais j'obtiens rapidement le code puis je dois passer le permis le jour de mes 20 ans et de la fête de Noël. Pas de bol, l'inspecteur est malade, je fais l'aller-retour pour rien.
Avec Picolo, nous préparons une méga sangria pour notre anniversaire… mais laissons un pactole au Bar de l'Océan où on s'était arrêté boire un coup sur le chemin de la fête : les autres ont trouvé les consos trop chères et sont partis sans payer !
Aux vacances, Véro m'invite à Poitiers. J'y retrouve Chris et d'autres, et fais la connaissance de Nathalie.
Le soir du réveillon, je me dis que ma vie est formidable et que j'ai une chance incroyable.
Gros dégueulasse - Jean-Marc Reiser
L'heure du serpent - François Bourgeon
La Saga des gaffes - André Franquin & Jidéhem
E.T. - Steven Spielberg
Tootsie - Sydney Pollack
Blade Runner - Ridley Scott
De Roxy Music, je n'écoute plus que deux titres : celui-ci et "more than this". A partir du moment où je suis payé régulièrement, je commence à acheter de plus en plus de disques, moins d'ailleurs de nouveautés que pour rattraper mon retard en Beatles, Murray Head et autres Dire Straits !