Street art et Graffiti à Paris (4) : le tunnel des Tuileries
Après notre balade à la Butte aux Cailles ce dimanche 11 décembre 2022, nous sommes allés nous réchauffer chez Nénesse en compagnie de Crispim et Julie. Il est autour de 17h, l'heure du dîner est encore loin, que faire par ce froid qui me prive de mes vingt doigts ?
Crispim propose le ciné, mais on n'est pas trop chaud (!). Alors elle propose un truc qu'elle a repéré avant (comme d'hab !) : le tunnel des Tuileries, rendu aux piétons depuis quelques années (et aux "mobilités douces" mais pour moi, un "dur" c'est un train, pas une bagnole !). Il a été investi depuis l'été par des gribouilleurs venus de tous horizons.
Bon ben c'est parti. Un coup de métro plus tard et nous voilà dans le 1er arrondissement. à l'entrée Est dudit tunnel.
Dès l'abord, on sent bien que c'est l'endroit où il faut être vu : collages, pochoirs, graffitis, il y en a pour tous les goûts. A gauche, "Ange-Tinder" ("Swiping for love"), un pochoir de Falco. Je reconnais un cœur en Lego® comme ceux que j'ai vu à Lisbonne en juillet 2022. Il y a aussi ce collage "couple et parapluie" qui me rappelle ceux que j'ai vus en début d'après-midi à la Butte aux Cailles.
Et un pochoir élégant par Aavok : "Parle-moi avec les yeux"
Nous arrivons à l'entrée : portrait par Grünnif (voir plus bas), collage de Stoeyes en-dessous (en collaboration avec Ledentelier !), et pochoir de William Njo. Et puis cette espèce de tête de lézard dentu que j'ai l'impression d'avoir déjà vue.
"Demain s'ouvre au pied de biche" Episode 13 de Grünnif. J'aime bien le côté glamour années 50-60.
"Lezard Queen" de Elgée
"Rush rush" de Heartcraft
Il y en a partout de chaque côté. Il fait nuit mais qu'importe : c'est un tunnel, alors même en journée… L'éclairage a été étudié, et sur certaines œuvres, des loupiotes passent du rouge au violet par toutes les couleurs du spectre. Pas facile - surtout pour moi - de réaliser des photos qui rendent justice à la qualité du travail des artistes.
Les œuvres "ambitieuses" (et sans doute officielles) sont déjà parasitées par des tags, des graffitis, des collages. Certains respectent les œuvres, d'autres moins. Et là encore - comme à la Butte aux Cailles -, je vais m'apercevoir assez rapidement qu'il serait illusoire de tout prendre. Alors je vais m'attarder sur ce qui me plaît le plus, en négligeant d'autres sans doute de valeur également.
C'est très impressionnant : le tunnel paraît interminable car un coude empêche de voir le bout.
Elephant par Mathieu Dussaucy, alias Mathieu_1976
Marienelly : j'ai enfin trouvé l'autrice de ces petites danseuses (ou plutôt acrobates ?) vues dans Paris en 2019 !
"Thug Life" par Corentin Sauvage
Yomelaogram
Tous les styles se côtoient de façon anarchique, à l'inverse d'un musée. Et c'est aussi ce qui donne sa valeur à l'ensemble : chacun peut trouver son bonheur dans cette galerie à ciel… fermé !
Nous avons aussi déjà rencontré ces fourmis de MS Béja qui battent le pavé (et grimpent sur les murs). Elles préfigurent les défilés à venir…
Nous tombons sur le premier "pigecam" de Djalouz, ici à la bombe. Il en fait aussi en relief comme on le verra au prochain épisode. J'aime le côté dénonciateur de l'idée : ceux qui comptent sur les caméras de sécurité ont-ils jamais pensé à les greffer sur ces bestioles qui envahissent les villes ?
Tommie Peter Norman John Carlos : mais qui est donc l'auteur de ce graffiti-hommage dont je n'arrive pas à déchiffrer le nom ?
"Les sprinteurs américains Tommie Smith et John Carlos, ainsi que l'Australien Peter Norman, lors de la cérémonie de remise des prix de la course de 200 m aux Jeux olympiques de Mexico (1968) …/… Smith (au centre) et Carlos ont protesté contre la discrimination raciale : ils sont montés pieds nus sur le podium et ont écouté leur hymne en inclinant la tête et en levant le poing avec un gant noir." (Wikipédia)
« Il a suffi de quelques secondes pour que l'Amérique fasse de moi un paria. Mais il a fallu trente-cinq ans pour qu'elle me transforme en héros. » (Tommie Smith)
(A gauche, un "ange" à grands yeux par Befa)
Corine Forest, dont j'ai déjà vu des collages à Nantes. J'ai déjà dit tout le bien que je pense de ce genre d'initiative qui utilise le recyclage. Parce que bon, la peinture en bombe, ce n'est tout de même pas très écolo…
Une "Chouette" Louyz et un interminable kraken par Loudaho 94 (alias Kraken !)
Les graffeurs n'ont pas eu l'air d'apprécier ces canidés à leur juste valeur. De plus les petites affichettes officielles présentant les artistes ont quasiment toutes été peinturlurées.
"Avaleur de camion" par Caligr Oner dont je découvre sur Instagram qu'il est l'auteur d'un bel ibis rouge vu à l'expo Wood Street à Lorient en décembre 2020.
Chouette renard bleu par un Monkiz pas facile à identifier sur Internet !
Je ne suis pas très "hip hop" (et ne l'ai jamais été) mais je reconnais que ces danseurs d'Henry Hang dégagent une grande énergie.
Au-dessus, "Raoul l'homme tranquille" de Leraoul : il y en partout jusqu'à la nausée dans les rues. Tout comme ces icônes (que je ne trouve pas très orthodoxes) de Markie Temlett.
Cette très longue fresque très graphique - "Flux" par Ërell, artiste Ukrainien - a été jusqu'à présent épargnée par les concurrents.
Sawer Oner : j'ai beau attendre que les lumières changent, c'est quand même assez galère d'admirer les œuvres sous les clignotants.
Certains secteurs restant libres de grandes fresques ont été phagocytés par des choses plus petites. En haut, La meuf street art dans le genre "pensées profondes", et tout un patchwork de collages, photos, graffitis et pochoirs où je crois reconnaître le style de Aavok.
Les éclairages font passer cette œuvre de Bour, très graphique, par toutes les couleurs. Je ne sais pas si l'artiste a donné son aval.
Autre patchwork très graphique par Bault. Le sens m'échappe (sauf pour sa signature que l'on lit dans les "cases" du haut" mais j'aime le côté "fanzine". (Je peux parfois manquer de vocabulaire...)
L'hommage à Jacques Villeglé par Lek et Sowat a lui aussi été épargné jusque là. Bon, Villeglé, c'était des superpositions d'affiches lacérées, alors je ne comprends pas trop.
Hercule et Pif de mon enfance : y aurait-il encore des communistes à Paris ?
Un "Boy" de Psyckoze Nolimit. Je n'en ai croisé un autre qu'à Roubaix en 2019. J'aime bien la performance consistant à les réaliser d'un seul trait. A côté, belle coréalisation par Shreed16 & Maca.
En face, Andréa Ravo-Mattoni a reproduit à son habitude des détails de tableaux de l’art classique. Mais tout cet espace vide, ça ne devait pas plaire. Ici "Misse et Turlu" (Jean Baptiste Oudry) …
"Scène de chasse et de fauconnerie" (Louis Godefroy Jadin), "la tabagie" (Louis Le Nain), "l'origine de la peinture" (Jean Baptiste Regnault), et "L'Enfant Jésus désignant à la Vierge les fleurs de la Passion" (Francesco Trevisani).
(Je n'étale pas ma culture (très limitée dans ce domaine, et dans d'autres aussi), mais c'est un grand plaisir pour moi de passer des heures à connaître le qui du quoi !)
Oui je sais : je n'ai capté qu'un tout petit morceau de "Servals & chacals" de War. Mais l'éclairage est vraiment trop changeant, et les "parasites" trop envahissants ! Sur son Instagram, on voit qu'il a été l'un des premiers à œuvrer ici.
A côté d'un "Barong" très réjouissant de Petri, nous retrouvons deux "pigecams" de Djalouz, tout heureux de pouvoir picorer (des infos ?) sur Twitter et autres réseaux dits "sociaux" (et vendeurs de données personnelles).
Ernesto Novo dans un style très "art brut" ou plutôt "arts premiers", très réussi à mon goût.
"Life matters" de Kouka Ntadi s'inscrit lui aussi dans l'actualité et la dénonciation qu'oublient un peu trop souvent ceux qui s'en tiennent à l'esthétisme.
Motocycliste de Marrakech sur fond de zelliges (des azulejos, quoi !) et smileys de Mouad Aboulhana, dans un registre plus humoristique.
Tout le long du tunnel, nous verrons beaucoup de ces cœurs en Lego® qui attribuent des satisfecit à leurs œuvres préférées.
Pour ses "Sentinels of nature", Akelo a choisi des tons qui s'harmonisent parfaitement avec le fond. Et là aussi, il y a un message en plus d'une technique bien maîtrisée.
autre "Sentinel of nature" par Akelo
Le style "grosses bestioles en forme de bulles" est également un peu présent. Elmoot Moot (qui n'aurait pas de site mais est pourtant connu d'Internet) et Monkiz toujours introuvable ! (à moins que ce ne soit celui-là ?…)
"Jesus au keffieh" (?) de Stohubohu : ici, je suppose que l'auteur a eu son mot à dire sur l'éclairage car ce que ne montre pas cette photo, c'est comment le visage se transforme en fonction des couleurs des projecteurs. C'est d'ailleurs assez fort.
Ce portrait de femme par Poulain est aussi très réussi, un peu comme ceux de Sébastien Bouchard et tant d'autres. Mais pour finalement dire quoi ?
Après le style "aztèque" de Petri, deuxième œuvre "tribale" cette fois par Todd Artnoz. Les autres choses sur les côtés me resteront inconnues. Je reconnais tout de même une tête de Playmobil en haut à gauche, mais ce n'est plus ce qui m'intéresse : le monde du street art a bien évolué depuis les Fast Freak, Oré, Mister P, Wèkup et autres Gzup il faut bien le reconnaître un tantinet mono-maniaques et tout de même un peu dépassés par le foisonnement récent.
Nosbé : il n'y a peut-être aucun message, mais je reste fan de ce genre de chose.
Troisième "Sentinel of nature" par Akelo, toujours aussi chouette, et en "parasite" Frida Kahlo (encore ?!) par Corentin Sauvage.
Traitement graphique impeccable mais je ne trouve ni le message, ni l'auteur, ni même le nom de cette espèce de volatile.
Nush Poke : même sentiment que pour la bestiole de Nosbé plus haut.
Jeu graphique très coloré et agréable à l'œil par Eser.
Drôle de bestiole par Dawal, un petit côté Fred (de Philémon) avec ses "baleines-galères", et fanzine, là encore. C'est très coloré aussi, rigolo, j'adore !
Portrait de Rose Bertram par Peakture : je ne connaissais pas la dame en question mais la technique est là. Tiens mais c'est quoi au-dessus ?
C'est Crispim qui me fait remarquer que tout le long du tunnel, nous avons croisé "Monsieur Oh !" par CanB : collé sur les murs, accroché aux projecteurs… Ce que j'en apprends sur son site me met en joie (enfin si j'ose dire, le but n'étant pas là). Voilà un petit personnage aussi râleur que moi !
Nous voilà à la sortie ouest du tunnel. Ici aussi, les "refoulés" se sont défoulés. J'aime bien les deux espèces de grosses mouches signées… Nour ? Nur ? Noun ?? Je retrouve en tout cas la même signature que l'ours plus haut, au-dessus de Hercule et Pif. Quant aux petits bonshommes genre "les Oides", je ne me donne pas la peine de chercher des infos sur leur géniteur.
Il ne nous reste plus qu'à faire le retour. Je glanerai encore quelques photos complémentaires.
Après une petit heure, il est temps d'aller se sustenter. Crispim nous emmène dans une de ses "cantines" locales, après une première demi-journée plus que stimulante pour tous les sens !
Les sites suivants m'ont bien aidé à trouver les références, qu'ils en soient remerciés.
. le tunnel des Tuileries sur "Trompe l'œil"
. Altinnov - blog street art & lifestyle
Street art et Graffiti à Paris (1) : intro
Street art et Graffiti à Paris (2) : Boulevard Auriol
Street art et Graffiti à Paris (3) : de la Place d'Italie au Panthéon
Street art et Graffiti à Paris (4) : le tunnel des Tuileries
Street art et Graffiti à Paris (5) : la Butte aux Cailles (1)
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