"A Lorient la jolie" (8) : topo n'y mis
Je ne suis pas propriétaire, c'est peut-être la raison pour laquelle je n'arrive pas à comprendre qu'on puisse donner un nom à sa maison. J'imagine qu'il s'agit pour les gens qui le font d'un aboutissement, la concrétisation d'un rêve : avoir son "chez soi". Comme si cela devait être éternel… gravé dans la pierre.
Lors de nos balades dans le coin - et parfois un peu plus loin -, nous avons souvent été intrigués ou amusés par l'inventivité (ou pas) de ces propriétaires.
Il y a les maisons qui arborent fièrement le nom de leur hôte : orgueil démesuré ou simple hommage à l'élue de leur cœur ? Ou encore dévotion à quelque figure protectrice ?
Après tout, Sainte Rita est la patronne des causes désespérées ! Faut-il y lire l'angoisse des occupants ?
Bien que né ici, je ne parle toujours pas la langue. Alors il y a pour moi des noms énigmatiques : noms de famille ou autre sens ? Je n'irai pas chercher. Bon, "ty", c'est la maison et "ker" le lieu, le village, je crois. Mais pour le reste… Il n'y a que "Villa Kerozen" qui m'évoque quelque chose, mais ça sent le contresens aéronautique !
Certains ne sont tout de même pas allés chercher très loin leur inspiration. Il leur aura suffi d'observer leur environnement.
"Tu as vu, chérie, nous sommes au bord de la mer !"
Je n'ai malheureusement toujours pas encore déniché la "Villa bernique" qui me réjouirait tant.
Sans oublier ceux qui n'ont pas regardé plus loin que le bout de leur jardin. Le vocabulaire horticole se double-t-il d'une allusion au langage des fleurs dont j'ignore toujours la plus petite notion ? Tout cela reste sage apparemment. Et jusqu'ici, nulle "Ty Narcisse" pour flatter mon ego.
Et puis il y a cette curiosité : "la maison des choux". Il existe en fait deux par ici. L'une semble avoir hérité son nom d'un négoce local. J'ai un souvenir précis de cette maison.
La Maison des Choux à Lanester
http://www.sahpl.asso.fr/SITE_SAHPL/Le_Colleter_La_maison_des_choux_%C3%A0_Lanester.htm
Pour tout savoir sur "la maison des choux"
Au Cp, j'ai su lire avant les autres, et je m'ennuyais sans doute en classe, à ânonner les péripéties - pas très trépidantes - de la vie de "Poucet et son ami l'écureuil". Alors j'embêtais mes voisins ! L'instit n'était pas commode, mais comment lui en vouloir, vu d'aujourd'hui ? A cette époque-là, l'école n'était pas encore mixte. Trente garçons dans une classe, je n'ose même pas imaginer ça ! Bref, il me choppe un jour où je venais de pincer un de mes collègues. Coup de règle sur les doigts, majeur déboîté. La seule fois de ma scolarité où ma mère est allée se plaindre à l'école. Et puis direction "le rebouteux". Ce type-là me prend le doigt, tire dessus un grand coup… et le voilà remis en place.
Quand Maël m'a démonté l'autre majeur en terminale - je ne savais pas contrer en ce temps-là ! - d'un smash bien appuyé, je ne suis pourtant pas retourné le voir, ce "Le Carrer". Le doigt s'est remis tout seul, mais il reste un peu plus gros que l'autre depuis.
Fin de l'aparté.
Pour l'autre "Maison des Choux", j'ai trouvé sur Internet une explication plus rigolote : il s'agit du nom de famille des gens qui y habitent. Sans doute un clin d'œil à la première. En tout cas ils ne doivent pas s'ennuyer dans ce quartier : "la maison des choux" est tellement connue dans le coin que les voisins se sont contentés modestement de ce petit écriteau…
En tant que musicien amateur, j'aimerais évoquer ces mélomanes inspirés qui ont composé une douce mélodie de fer forgé en hommage à l'harmonie de leur villégiature. Sont-ils allés jusqu'à la doter d'un carillon reprenant cette phrase musicale ? Je n'ai pas osé tester pour vérifier cette hypothèse.
Sont-ils à l'origine de ma petite séquence "Eh, dites, piafs !..." ? Ou bien ai-je été plutôt inspiré par cette composition dont le sens me reste caché ?
Eh dites , Piafs... - Ginette & Caramel
http://ginette-caramel.over-blog.com/search/Eh%20dites%20,%20Piafs.../
pour (re)lire ici "Eh, dites, piafs !..."
Il existe aussi la catégorie des "exotiques". Soit les occupants sont originaires de contrées éloignées et ressentent le blues, la nostalgie ou la saudade (selon provenance…) et souhaitent l'afficher. Soit ils ressentent la frustration de ne pas y résider - ou forment le projet secret d'y emménager un jour.
Viennent enfin mes préférées, là où premier et second degré se confondent : à moins de connaître les habitants, il est difficile de mesurer le degré d'humour qui a présidé à ces choix !
Ode à l'écrin du bonheur - ou plus prosaïquement indications pour la couleur du ravalement ! -, les noms des maisons gardent le plus souvent leur mystère, ce qui est une sorte de paradoxe : afficher aux yeux de tous un message adressé à des initiés...
La pratique semble se raréfier sur les constructions récentes, remplacée parfois par l'affichage démesuré et fièrement revendiqué de sa place dans la rue. Le préposé de la Poste presbyte y gagne ce qu'y perd la poésie !
Joe Jackson - My house
Pour terminer, quelques sites qui ont eu l'idée avant moi, mais si je vous dis qu'ils ne m'ont pas inspiré, me croirez-vous ?…
Noms de Villas ou la chronique d'une rêveuse
http://misschocoreve.blogspot.fr/2011/09/noms-de-villas-ou-la-chronique-dune.html
Noms de Villas ou la chronique d'une rêveuse
Les noms de maisons, fragments d'un discours sur soi ? - Cairn.info
https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2003-3-page-483.htm
Les noms de maisons, fragments d’un discours sur soi ? - Anne Chaté