Les bandes dessinées muettes (1)
Pour un bavard comme moi, il peut sembler paradoxal que je puisse aimer les bandes dessinées muettes, et pourtant.
Conscient justement de ma "bavartitude", j'en apprécie d'autant le savoir faire de ceux qui se passent de mots pour transmettre des émotions, une réflexion, de la poésie…
- Lewis Trondheim
. Mister i
. Mister O
. Alieen
. A mosca (la mouche en portugais !)
. Visite express (les 24 heures de la bande dessinée 2009)
. Une histoire muette avec des pirates (les 24 heures de la bande dessinée 2010)
- Bara - Max l'explorateur II
- Gustavo Duarte - Monstres !
- Fabio - L'œil du chat
- Pierre Bailly & Céline Fraipont - Petit Poilu : la sirène gourmande
Ce "mutisme" pourrait laisser croire à une certaine universalité. Elles sont pourtant ancrées dans la culture de leurs auteurs. Ce qui n'empêche pas une audience plus large que le seul pays d'origine. La mondialisation touche tous les secteurs, la percée des mangas japonais et des manwhas coréens en est une preuve.
Cette contrainte de départ m'intrigue : le propos est à la fois restreint par l'absence de dialogue (ou de texte) et en même temps le récit peut toucher un large public. Je rapproche cela des stéréotypes de représentation des expressions du visage qui sont sans doute compréhensibles par une grande majorité de l'humanité.
Il reste cependant des différences culturelles que ne peut gommer cette absence d'écrit.
Mon premier souvenir, c'est Alfredo dans "la Liberté du Morbihan" (journal aujourd'hui disparu, et auquel mes parents étaient abonnés). Strip quotidien, gag classique en trois cases.
Dans les années 80, je dépense une importante partie de mon salaire dans l'achat de bandes dessinées, et c'est la découverte de Arzach de Moebius. Et c'est tout de même autre chose !
En effet, la grande majorité des bandes dessinées muettes sont des strips, des histoires courtes. Thierry Groensteen – l'autre Thierry ! – les catégorise : le fantastique, le burlesque ou cartoonesque, la satire, la poésie. La plupart se situent dans la deuxième catégorie, mais il existe de prestigieux représentants des autres.
En farfouillant sur mes étagères, je me suis étonné moi-même du nombre d'albums de ce type que je possède. (Sans compter les auteurs qui glissent une histoire sans paroles au milieu d'autres "parlantes".)
- Moebius - Arzach
- Avril & Petit-Roulet - Soirs de Paris
- Michel Alzéal - le pantin
- Jason - Chhht !
- Pascal Jousselin - Fiesta
- Nicolas Juncker - Le front
- Pierre Schelle - La théorie du chaos
- Sergio Garcia & Lola Moral - Odi's blog 1.0
Certains – comme Benoît Peeters – prétendent que l'absence de dialogues ou de récitatifs serait un frein à l'étendue des possibles, à l'ambition de l'histoire. Pourtant les œuvres de Jason – pour ne citer que lui – me semblent fortes et produisent un effet assez puissant sur le lecteur que je suis, justement par leur non-dit. La "machine à fantasmes" et à interprétations fonctionne à plein. Je ne me sens pas mené par le bout du nez, ça demande un effort. L'auteur a dit (dessiné) quelque chose. Mais le lecteur garde sa part de création, par sa lecture même. L'œuvre échappe à son créateur, et c'est à mon avis - un peu - le but recherché.
Mais voilà qu'il est encore l'heure de mes gouttes ! Je reporte donc la suite de ces réflexions à un prochain vendredi. (Oui, je sais, je suis du genre maniaco-obsessionnel et néanmoins victime d'autisme à tendance routinière !)
"La bande dessinée muette" sur le site du9
une histoire de la bande dessinée muette (1) par Thierry Groensteen
une histoire de la bande dessinée muette (2) par Thierry Groensteen
une sélection de 25 titres sur Babelio
La BD muette sur BDTheque : 244 suggestions de lecture !