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Je ne comprends toujours pas. Vous lâchez 130 enfants de deux à six ans dans une cour d'école, et il ne se passe – quasiment – jamais aucun accident ! Enfin rien de grave.
Oui, les enfants tombent, souvent même. Et la plupart du temps, quelques paroles de réconfort et un peu d'eau suffisent.
Bon, déjà, ils ne tombent pas de très haut ! Parfois, c'est juste "le vernis" qui est parti, et nous avons un carnet où nous consignons les soins prodigués.

Et puis rarement, il arrive quelque chose de plus grave. La faute à "pas-de-chance". Car depuis de nombreuses années, nous sommes sensibilisés à "l'heure des doigts dans la porte" ! J'ai appelé ça comme ça, en souvenir de l'accident de Jérémy en 1988. La faute aux enseignants – dont moi ! – qui faisaient durer une récréation plus que de raisonnable. Le beau temps qui revient après trois semaines de pluie, l'approche des vacances… Et c'est là que se produit un accident plus sérieux. Après avoir effectué les gestes et les démarches nécessaires, nous avons alors à remplir une déclaration de neuf pages pour notre administration (qui sort le "parapluie"…), et ça fait toujours un peu tache d'indiquer une heure où les enfants auraient dû être en classe depuis une bonne demi heure !

Nous avons la hantise de ça à chaque fin d'année scolaire : la fatigue des élèves – et la nôtre (Vive les périodes de onze semaines, petit accroc aux "rythmes des enfants" !) favorise aussi ce genre d'événement.

Quant au manque de compassion des enfants, il est le même que celui des adultes. Depuis le cinéma muet de Charlot ou de Laurel et Hardy jusqu'aux "bêtisiers" plus récents, qu'est-ce qui déclenche mieux l'hilarité que de voir quelqu'un se prendre… une bonne gamelle !

Les stéréotypes ont la vie dure, les idées toutes faites aussi. Dès la maternelle, les différences entre filles et garçons sont difficiles à combattre. Et leurs jeux reproduisent ce qu'ils vivent en dehors de l'école : "Reine des Neiges" pour les filles, "Super Héros" pour les garçons.
Je me fais parfois un plaisir de venir en T-shirt rose rien que pour les provoquer un peu. Car les couleurs ont aussi un sexe, le rose plus que les autres !
- C'est une couleur de fille !
- Donc je suis une fille ?…

Ceci dit, être "maîtresse", c'est aussi un rêve de fille : aucun garçon ne m'a jamais affirmé vouloir être "maître". Et d'ailleurs les chiffres officiels leur donnent raison : c'est une profession dévalorisée qui se féminise de plus en plus. Et c'est pire en primaire qu'au secondaire : 2% d'hommes en maternelle !
D'ailleurs l'an dernier, à la question "Quel travail fait ta maman ?", Louison m'a répondu "Elle ne travaille pas, elle est maîtresse !"

La situation de mon dessin, je reconnais que je n'y ai jamais assisté dans la cour. Mais quand nous évoquons la profession de leurs parents, bien peu en ont une idée précise. Mécanicien ou infirmier, ils voient à peu près, mais pour le reste…
Pourtant il y a de temps en temps des exceptions, et elles sont bien acceptées par les enfants. Agathe joue "à la bagarre" avec les garçons et aucun ne remet en cause sa notion de "fille". Ça me donne un peu d'espoir. Pour d'autres, je ne peux que constater que le "mal est fait". Je leur souhaite juste de connaître à l'âge adulte une prise de conscience qui fera avancer la société.

Mais mon pessimisme indécrottable n'est pas contredit par les nouvelles du monde : les filles, ça craint pour vous en ce moment, malgré ce qu'on voudrait nous faire croire dans notre beau pays !