En ce jour des "Narcisse", voilà une question qui paraît s'imposer !
Il existe des millions de blogs en France, et donc autant de gens qui pensent avoir à partager avec (potentiellement !) le monde entier leurs expériences, états d'âme, créations, délires…
Certains blogs sont très lus, très suivis, car émanant de "leaders d'opinion" ou de créateurs géniaux. Mais la plupart se cantonnent à un lectorat de proches, qu'ils soient de pensée ou familiaux. C'est d'ailleurs le cas du mien.
Qu'est-ce qui peut donc faire supposer que le monde tourne autour de soi ? Hors le narcissisme et / ou l'égocentrisme, je ne vois que l'ambiance actuelle, qui veut faire croire à chacun qu'il / elle est unique, indispensable, attendu(e). Société à la com' (!), tous fils et filles de pub, du chacun pour soi (ou pour tous ?), dont je situe l'émergence dans les années 80 : années "fric, chic et toc".
Qu'est-ce qui pousse tous ces gens – dont moi – à s'épancher en public, et question corollaire, qu'est-ce qui fait que tant d'autres ne le font pas ?
Pour moi qui aime calculer, compter, classer, est-il imaginable de scinder l'humanité (tant qu'à faire !) en deux parties : ceux qui se consacrent aux autres, et ceux qui ne voient qu'eux-mêmes ?
D'accord, c'est (très) réducteur…
Persuadé que je suis qu'il n'y a aucun sens à tout ça (au… sens de "direction", destinée, ou je ne sais quoi d'autre), j'en arrive à me dire que chacun doit au moins se trouver une raison de continuer, ou au moins une motivation. Je ne sais pas pour les autres, mais moi, j'écris d'abord pour moi !
J'aime "bidouiller" depuis un moment déjà. Il m'aura fallu attendre cette année pour me "lancer" en ligne. Pourquoi ? Avec une moyenne de 8 lecteurs quotidiens, je n'ai pourtant aucune idée du nombre de personnes qui "tombent" réellement sur mes écrits, de temps en temps, par hasard, ou plus régulièrement. Et comme moi lorsque je lis d'autres blogs, ces gens ne laissent aucun commentaire, et le plus souvent, ça vaut mieux pour tout le monde…
Et puis j'aime le côté "valorisant" d'une publication sur ordi : c'est "propre" ! J'écris beaucoup au brouillon (tenez, là, c'est au dos d'un vieux devoir de physique de mon fils), et il m'arrive de ne pouvoir me relire moi-même !
Je vois dans cet exercice une sorte de "complément" - et en plus, de façon quasi anonyme – à ce qu'il m'est donné d'échanger, de partager, que ce soit avec des amis, des collègues, des proches. Chacun fait ainsi partie d'un certain nombre de cercles de connaissances, plus ou moins cloisonnés. Je réalise depuis 12 ans un hebdo sur les activités dans ma classe, uniquement pour les parents d'élèves. Par contre, pas de journal intime : jamais eu ni l'envie, ni le besoin.
Alors est-ce qu'un blog, ce n'est pas avant tout l'occasion de s'adresser à une sorte d'alter ego ? Oui mais j'avais déjà Ginette et Caramel pour ça, avant. En avais-je assez de me parler dans ma cuisine à 6 heures du matin ? Ce double fantasmé me rappelle une légende (ou bien est-ce une mythologie ?) qui voudrait que nous soyons tous à la recherche d'une "moitié originelle" dont nous aurions été séparés. Par delà le narcissisme (et / ou l'égocentrisme, donc), il se pourrait que cela fasse du bien… à soi-même ! Et que cela réponde aussi à une autre injonction contemporaine : cultiver l'estime de soi ! Un peu facile : on y écrit finalement que ce qui peut nous valoriser (à moins d'être masochiste), avec toujours l'espoir secret d'être lu par le plus grand nombre ! Retour à la case départ.
Malgré toute la modestie (!!) qu'on peut essayer d'y mettre, cet exercice – tout comme la littérature, la musique ou toute autre forme de création - ressemble tout de même furieusement à une "faux-culterie" qui révèle surtout une angoisse et une prière inavouée : "Aimez-moi !" ("likez-moi", pour les plus branchés d'entre vous…)
Je ne sais pas encore combien de temps je continuerai ces délires un peu vains. Cherchez donc le nombre de blogs "en panne", c'est également assez impressionnant…
Mais je ne me sens finalement pas différent de tous les autres blogueurs, même si chacun l'espère et le souhaite ardemment. (Etre différent des autres, je veux dire, mais je ne suis pas toujours très clair, je sais !…)
N'est pas Montaigne qui veut !