Phil aimons (7) : des phrases toutes faites
Il a commencé au tome 4 ("Le château suspendu"), dans les tomes 5 et 6 ("Le voyage de l'incrédule" et "Simbabbad de Batbad"), c'est un festival, et puis ça s'est un peu tari par la suite. A-t-il été influencé par l'époque ou par d'autres auteurs, et par qui ? J'en trouve des exemples chez Gotlib, Cavanna ou chez l'Achille Talon de Greg.
De quoi je parle ? Mais de ces phrases toutes faites sorties de la bouche de maints personnages des aventures de Philémon.
Au premier rang desquelles nous trouvons "ça va, ça vient". Tout, d'ailleurs, "va et vient" selon Fred.
En seconde position, "Y'a plus d'saison". Mais la plupart des occurrences se trouvent dans l'album "Le secret de Félicien" consacré au dérèglement des… saisons !
Le fameux "le fond de l'air est frais" complète le tiercé de tête. Fred en fera le titre d'une série de compilations de courtes histoires. Avec une jolie variation dans le dernier album "Le train où vont les choses…"
Pour quelles raisons Fred use-t-il de ces lieux communs, ces phrases qui ne veulent rien dire ?
Je rechigne à penser qu'il a cédé à la facilité. La volonté est plutôt selon moi de ramener des événements qui nous paraissent extraordinaires à une banalité ordinaire.
En lisant les aventures de Philémon, nous consentons à tout ce qui s'y passe d'incroyable (!), d'extravagant, de farfelu. Comme le héros lui-même, il nous faut avoir la naïveté, l'innocence d'accepter les êtres et coutumes de ce monde parallèle. Il s'agit aussi de "dégonfler les baudruches". Fred ne se prend pas au sérieux et se moque par ce moyen des personnages grandiloquents qu'il nous fait rencontrer.
Dans ce monde, personne ne paraît vraiment étonné de ce qui arrive. A part au moins Hector, le père de Philémon, l'incrédule, notre part d'adulte censé, les pieds sur terre, mais volontairement complice le temps de la lecture.
Peut-être faut-il y voir également une critique légère de nos tics de parole. Les "en fait", "du coup", "c'est clair" et autres facilités de langage dont nous émaillons notre discours, j'en ai déjà parlé ici et là. Et qui n'ont d'autre utilité que d'engager la conversation, de ne pas rompre le dialogue. Est-ce cela qu'on nomme "la fonction phatique" ?
Je regrette un peu qu'il n'ait pas gardé jusqu'au bout cette marque de complicité avec le lecteur. Mais sans doute qu'il craignait de s'enfermer lui aussi dans une manie, un procédé facile.
Et je vous invite à relire "Fred, dynamiteur de formes" de Julien Bastide au paragraphe "E comme élucubration", qui m'offre une transition pour le prochain chapitre : les jeux de mots et les créations verbales.
"On parle beaucoup dans les bandes dessinées de Fred; un langage truffé d’expressions familières («Mouais !... Moi aussi, quand j’étais jeune, je voulais quitter tout ça... Ah là, là, là... »)… /… un langage toujours aux frontières de l’absurde…"
Phil aimons. (1)
Phil aimons (2) : les personnages principaux
Phil aimons (3) : d'autres personnages étonnants
Phil aimons (4) : où sont les femmes ?
Phil aimons (5) : le "Monde des Lettres"
Phil aimons (6) : les passages
Phil aimons (7) : des phrases toutes faites
Phil aimons (8) : jeux de mots et créations verbales
Phil aimons (9) : les codes de la bande dessinée
Phil aimons (10) : mise en page
Phil aimons (11) : d'autres Fred, Fred et les autres